Le génocide perpétué contre les Tutsis au Rwanda au printemps 1994 constitue sans aucun doute l’événement majeur de la fin du 20e siècle. Cette année, marquée par de nombreuses commémorations du trentième anniversaire, a rappelé que ce génocide représente l’une des faillites les plus tragiques de la communauté internationale, qui a été incapable d’empêcher sa mise en oeuvre. Ce génocide a eu lieu dans un pays où Tutsis et Hutus partagent la même langue et la même culture. Ces deux groupes ethniques, très majoritairement chrétiens, cohabitaient dans les mêmes villages, avec des mariages interethniques fréquents. Alors comment en est-on arrivé là? La colonisation allemande et belge du Rwanda a été sans aucun doute la matrice principale de ce génocide, laissant un héritage empoisonné d’une manière profonde et durable dans la population rwandaise. Il y a bien sûr la conjonction de plusieurs autres facteurs, suffisants pour expliquer ce drame génocidaire. Cependant, jamais assez pour en saisir pleinement la compréhension, car un génocide n’est jamais une fatalité. Trente ans après le génocide, ce pays s’est résolument engagé sur le chemin de la réconciliation, au coeur de laquelle se pose toujours la question du pardon. Entre le pardon inconditionnel qui semble impossible et celui de rescapés qui estiment qu’on leur a arraché un pardon qu’ils n’étaient pas prêts à accorder, la notion de pardon est vagabonde. La question du pardon reste aujourd’hui encore présente dans la société rwandaise. La réponse que l’on veut ou que l’on peut lui donner dépend bien sûr de notre capacité à « réapprendre à vivre ensemble. »